mercredi 28 janvier 2015

« C'est très joli, la vie. Mais cela a un inconvénient, c'est qu'il faut la vivre. »
















 
Réécriture de la tragédie de Sophocle, cette pièce de théâtre de Jean Anouihl, écrite et jouée pour la première fois pendant la seconde guerre mondiale, raconte le mythe d'Antigone, la fille d'Oedipe et de Jocaste, roi et reine de Thèbes.


Au début de la tragédie, Oedipe a été exilé, Jocaste s'est suicidée, et les frères d'Antigone, Étéocle et Polynice, se sont entretués pour le trône de Thèbes que Créon, l'oncle d'Antigone, a fini par récupérer. Celui ci décide d'enterrer Étéocle, mais pas Polynice, qu'il traite de traître, de monstre. Toute personne s'y opposant sera condamnée à mort.

Et Antigone, idéaliste, passionnée, s'y oppose malgré sa soeur Ismène, plus raisonnable, qui tente de la raisonner.

Antigone sera finalement emmurée vivante par son oncle Créon.


"ANTIGONE : Je ne me moque pas. Cela me rassure ce matin, que tu sois belle. Quand j'étais petite, j'étais si malheureuse, tu te souviens ? Je te barbouillais de terre, je te mettais des vers dans le cou. Une fois, je t'ai attachée à un arbre et je t'ai coupé tes cheveux, tes beaux cheveux… (Elle caresse les cheveux d'Ismène) Comme cela doit être facile de ne pas penser de bêtises avec toutes ces belles mèches lisses et bien ordonnées autour de la tête !


ISMÈNE : Pourquoi parles-tu d'autre chose ?


ANTIGONE, doucement, sans cesser de lui caresser les cheveux : Je ne parle pas d'autre chose…

ISMÈNE : Tu sais, j'ai bien pensé, Antigone.


ANTIGONE : Oui.

ISMÈNE : J'ai bien pensé toute la nuit. Tu es folle.

ANTIGONE : Oui.


J'ai découvert ce livre l'année dernière, en cours de Français. Je l'ai commencé, m'attendant à une lecture classique, intéressante mais fastidieuse/difficile à lire. Honte sur moi., parce que c'est une merveille accessible, à portée de main, de mots.

Antigone, c'est un portrait lumineux, plein de nuances, de grâce. Le mythe bouleversant, fort, marquant d'une intégrité folle, d'une insolente candeur. Ce sont des mots qui emportent, qui touchent immédiatement.De longues, magnifiques tirades sur des sujets sensibles, l'enfance, le temps qui passe, la vie, ce sublime capharnaüm.

Antigone, ce sont tout ces personnages délicatement dépeints, qui s'entrechoquent, se brisent, se lacèrent, se détruisent, un sourire amer perlant au visage.

Antigone, c'est surtout à lire absolument, à n'oublier sous aucun prétexte. Une perle, un chef d'oeuvre, un joyau d'émotions dont on sort inspirés, émus. Changés?

Et c'est encore mieux, si vous avez eu la chance, à la comédie Française ♥

Des extraits...

"Vous me dégoutez tous avec votre bonheur ! Avec votre vie qu'il faut aimer coûte que coûte. On dirait des chiens qui lèchent tout ce qu'ils trouvent. Et cette petite chance pour tous les jours, si on n'est pas trop exigeant. Moi, je veux tout, tout de suite, et que ce soit entier ou alors je refuse ! Je ne veux pas être modeste, moi, et me contenter d'un petit morceau si j'ai été bien sage. Je veux être sûre de tout aujourd'hui et que cela soit aussi beau que quand j'étais petite ou mourir !"
" La vie n'est pas ce que tu crois. C'est une eau que les jeunes gens laissent couler sans le savoir, entre leurs doigts ouverts. Ferme tes mains, ferme tes mains, vite. Retiens-là. Tu verras, cela deviendra une petite chose dure et simple qu'on grignote, assis au soleil. Ils te diront tous le contraire parce qu'ils ont besoin de ta force et de ton élan. Ne les écoute pas. Ne m'écoute pas quand je ferai mon prochain discours devant le tombeau d'Etéocle. Ce ne sera pas vrai. Rien n'est vrai que ce qu'on ne dit pas... Tu l'apprendras toi aussi, trop tard, la vie c'est un livre qu'on aime, c'est un enfant qui joue à vos pieds, un outil qu'on tient bien dans sa main, un banc pour se reposer le soir devant sa maison. Tu vas me mépriser encore, mais de découvrir cela, tu verras, c'est la consolation dérisoire de vieillir, la vie, ce n'est peut-être tout de même que le bonheur."


 La Libellule.

Clin d'oeil affectueux à mon amie Safran du blog Coffee and Books qui partage mon amouwr pour ce chef d'oeuvre ♥ Plein de bisous à elle !

3 commentaires:

  1. J'avais lu cette pièce en 3ème (j'étais d'ailleurs tombée sur l'extrait du bonheur au brevet blanc ^^) et je l'avais beaucoup aimée ! Le caractère d'Antigone est vraiment super intéressant à étudier, à suivre, à observer. Les autres personnages le sont tout autant. Et puis c'est beau, quoi. "Le quatrième mur" de Sorj Chalandon raconte l'histoire d'un jeune parisien qui souhaite monter Antigone à Beyrouth, alors qu'il y a de nombreuses tensions et de nombreux conflits, etc... Tu l'as lu ?

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    1. Moi aussi, je l'ai découverte l'année dernière en cours ! C'est vrai... Créon est fantastique aussi je trouve.
      Je ne l'ai pas lu et je ne connaissais pas du tout, merci ! :)

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  2. Ha oui, je suis en train de l'étudier au collège! *honte à moi, obligée de citer le collège pour paraître cultivée* Beau livre, même si j'ai du mal à ressentir tout ce que tu as dit dans la description. "Antigone, c'est un portrait lumineux, plein de nuances, de grâce. Le mythe bouleversant, fort, marquant d'une intégrité folle, d'une insolente candeur. Ce sont des mots qui emportent, qui touchent immédiatement.De longues, magnifiques tirades sur des sujets sensibles, l'enfance, le temps qui passe, la vie, ce sublime capharnaüm." Maintenant que tu le dis, c'est vrai que cette pièce est très belle, elle prend le coeur et les tripes mais elle est aussi juste et subtile.
    Avec les troisièmes du collège, on l'a vu au théâtre. Je n'ai pas trop aimé: les comédiens en faisaient des tonnes, on ne sentait vraiment pas la délicatesse qui est sensé émaner des personnages.
    Beau racontage de vie!
    Merci pour cet article! ♥

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